Nous avons interrogé B.Ragot au sujet du lien de plus ne plus reconnu entre l'INTESTIN et les SYMPTÔMES DEPRESSIFS. Une interview qui nous explique en détails les mécanismes en jeu.
Bernadette, pourriez-vous tout d’abord nous expliquer ce qu’est un état dépressif ?
Parlons plutôt des états dépressifs; ces derniers résultent d’une combinaison de nombreux facteurs les plus divers: des facteurs biologiques, psychologiques, environnementaux,héréditaires, … L’organisme de tout être vivant est à la recherche permanente d’un équilibre entre tous ces facteurs auxquels il est soumis. Il procède de cette recherche d’équilibre un état de l’humeur qui, lorsqu’il est déréglé,conduit à la dépression.
Nous n’allons pas évoquer ici l’ensemble de ces facteurs.Pouvez-vous nous parler du facteur alimentaire et plus spécifiquement de l’équilibre en Acide Gras Essentiels (AGE)?
Des chercheurs del’INSERM[1] à l’université de Montpellier ont prouvé la possibilité de diminuer de 33 % le risque de dépression en agissant sur l’alimentation.
Modifier l’alimentation par un meilleur équilibre en acides gras essentiels a un impact sur l’équilibre général, plus ou moins important selon les cas et ceci pour de nombreuses raisons:
- Une première raison est la qualité des membranes des cellules du systèmenerveux qui joue son rôle dans la communication intercellulaire, ce qui stimulela connexion entre neurones. Et on sait combien un bon équilibre en Oméga-3favorise une membrane fonctionnelle.
- Par ailleurs, la propriété anti-inflammatoired’un bon équilibre en AGE a une action importante sur la dépression dans la mesure où de nombreuses recherches récentes suggèrent que l’inflammation cérébrale chronique est impliquée dans ces maladies psychiatriques[2].
- Enfin et surtout, les relations entre l’intestin et le cerveau font partie des facteurs les plus déterminants en matière d’influence sur le comportement. La sous muqueuse intestinale compte200 millions de neurones qui constituent ce que l’on nomme le système nerveux entérique.
80% de ces cellules nerveuses véhiculent l'information dans le sens intestin-cerveau par la voie du nerf vague. Ce nerf vague fonctionne non pas comme un nerf moteur qui transmet les commandes du système nerveux central aux muscles, mais transmet les informations issues du microbiote jusqu’au cerveau. Le nerf vague est l’interface majeur de l’axeintestin-cerveau par lequel transitent toutes les informations essentielles gérant les influences réciproques du cerveau et du microbiote. Et les molécules inflammatoires qui naissent au niveau des intestins sont capables de gagner le cerveau par le nerf vague.
Finalement, on peut dire que tout ce qui est bon pour le microbiote est bénéfique pour combattre les états dépressifs?
Tout à fait. Quelques résultats d’études récentes[3]commencent à le prouver:
- Des bactéries digestives du microbiotec omme Bifidobacterium infantis, Lactobacillus Helveticus et Bifidobacterium Longum produisent des substances qui agissent sur le cerveau. Elles fabriquent de la sérotonine et de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), deux neurotransmetteurs qui interviennent dans le contrôle de l’humeur: 95% de la sérotonine que l’on nomme parfois «hormone du bonheur» est produite dans l’intestin.
- Il a par ailleurs été remarqué que les personnes souffrant de dépression ont des taux de bactéries Coprococcus et Dialisterinférieurs à la moyenne.
- Des liens ont été établis entre les perturbations du microbiote et les maladies neurologiques pour lesquelles l’inflammation cérébrale chronique est souvent impliquée. L’expérience montre que les personnes atteintes d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin ont un risque élevé de souffrir d’anxiété ou d’être sujettes à un état dépressif.
- En outre, il existe une corrélation entre l’ensemble des gènes présents dans le microbiote d’un homme et sa qualité de vie du point de vue de son état dépressif.
- Enfin, de nombreuses expériences très déterminantes ont été conduites sur des souris. Des souris axéniques (qui n’ontpas de microbiote) privées d’omega-3 pendant leur adolescence, ont à l’âge adulte un comportement anxieux et présentent alors une diminution de leur fonction cognitive.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le lien Oméga-3 et microbiote efficace ?
Il faut tout faire pour garder une membrane intestinale en bonne santé etc’est là que les oméga-3 jouent un rôle prépondérant. Ils sont les éléments constitutifs des membranes des cellules intestinales. Une membrane intestinale dans toute son intégrité(c’est-à-dire constituée de cellules intestinales qui ont-elles mêmes une membrane équilibrée en AGE) va favoriser l’équilibre et la qualité du microbiote.
La priorité est aussi de veiller à un bon transit intestinal. Tout retard,tout début de constipation encombre l’intestin, dégrade le microbiote et enpervertit l’équilibre bactérien. N’oubliez pas: l’équilibre bactérie n'est toujours associé à un bon équilibre en AGE.
Une conclusion ?
L’ensemble de ces résultats ont conduit le département de psychiatrie de l’université de Toronto à répertorier les omega-3 comme l’un des douze nutriments anti-dépresseurs. Mais attention!on ne comble pas une carence en omega-3 par un seul apport d’omega-3 sous quelque forme que ce soit.
Il faut un omega-3 entouré de tout l’environnement qui le rende bio-assimilable, un oméga-3 que l’on consomme dans sa matrice originelle, qui n’a subi aucune transformation, en bonne proportion avec les omega-6 et accompagné des vitamines et éléments minéraux dont il a besoin pour sa biocompatibilité (vitamines C - E - B3 – B6 – B8 – B9 et
les minéraux : Zinc, Magnésium et Sélénium). Ainsi absorbé, il sera reconnu au niveau de la bouche, bénéficiera de l’action prépondérante de la salive pour sa future assimilation, et sera digéré pour une intégration optimum.
[1]https://presse.inserm.fr/ameliorer-son-alimentation-pourrait-proteger-de-la-depression/32671/
[2]Travaux du Dr Lucile Capuron
[3]Valles-Colomer, M., Falony, G., Darzi, Y. et al. The neuroactivepotential of the human gut microbiota in quality of life and depression. NatMicrobiol 4, 623–632 (2019).https://doi.org/10.1038/s41564-018-0337-x